Résumé
Peut-on vraiment corriger une mâchoire dès l’enfance ? Si certains traitements précoces ont un vrai intérêt, d’autres ne peuvent rien contre la génétique. Découvrez pourquoi un bon diagnostic est essentiel pour éviter des années d’appareils… parfois inutiles.
En orthodontie, on entend souvent qu’il faut « commencer tôt pour tout corriger ». Cette idée, rassurante, est aussi… dangereuse.
Car dans certains cas, traiter trop tôt un enfant avec une anomalie génétique sévère, c’est l’exposer à des années d’appareillages inutiles.
Et à la fin, il faudra tout reprendre… parfois avec une chirurgie des mâchoires à l’adolescence.
🧬 La génétique : un acteur majeur… souvent sous-estimé
La forme des mâchoires, leur position, leur développement, la posture de la langue, le tonus musculaire…
Tout cela est largement déterminé par l’hérédité.
Beaucoup d’enfants ont la même structure faciale que leurs parents :
- Une mandibule trop petite (menton fuyant),
- Une mandibule trop grande (prognathie),
- Un petit maxillaire en arrière,
- Ou des décalages combinés, squelettiques et fonctionnels.
Ces formes de dysmorphoses sont programmées dès l’enfance. Et vouloir à tout prix les « corriger » dès 6 ou 7 ans est souvent illusoire, voire néfaste.
❌ Ce que l’histoire de l’orthodontie nous a appris
Pendant des années, on a tenté de stimuler la croissance mandibulaire à tout prix chez les enfants présentant une rétrognathie.
On leur posait des appareils « propulseurs de mandibule », parfois dès le plus jeune âge, avec l’idée qu’ils rattraperaient « l’avance du maxillaire supérieur ».
Mais aujourd’hui, on sait que :
- La croissance mandibulaire est largement programmée, en durée et en intensité.
- On ne peut pas la “forcer” au-delà d’une marge très modeste.
- Et dans la majorité des cas sévères, un second traitement sera nécessaire à l’adolescence.
- Et parfois même une chirurgie orthognathique, lorsque le décalage squelettique est trop important.
Résultat :
Des enfants traités trop tôt, trop longtemps, pour un résultat décevant… et une adhésion qui s’effondre à l’adolescence, quand il faut recommencer.
✅ Quand les traitements précoces ont vraiment leur place
Il existe des situations où intervenir tôt change véritablement les choses :
🔹 Le masque de Delaire
Utile pour stimuler la croissance du maxillaire chez les enfants présentant un petit maxillaire en arrière (Classe III). Il utilise la réponse des sutures crâniennes, encore actives avant 10 ans.
🔹 La disjonction palatine
Permet d’élargir le palais chez un enfant avec un maxillaire trop étroit. Là encore, les sutures permettent une véritable création osseuse si l’intervention est faite au bon moment.
Dans ces cas-là, la croissance peut être guidée, car les structures osseuses sont encore modulables. Ce sont des traitements ciblés, avec un bon rapport bénéfice/effort.
🎯 Tout repose sur un bon diagnostic
La clé n’est pas de commencer tôt.
La clé est de savoir qui peut réellement bénéficier d’un traitement précoce… et qui doit au contraire attendre pour être traité efficacement plus tard.
C’est pourquoi le diagnostic doit être :
- Clinique (examen du visage, des fonctions, de la posture),
- Mais aussi céphalométrique (analyse radiographique du squelette facial et de ses rapports).
Cela permet de :
- Déterminer la nature exacte de la dysmorphose,
- Évaluer l’héritabilité probable,
- Et surtout, poser un pronostic réaliste, dentaire, fonctionnel et squelettique.
📌 En résumé
- Tous les enfants ne peuvent pas être corrigés tôt.
- Certaines anomalies squelettiques sont profondément ancrées dans la génétique, et la croissance ne peut pas être modifiée artificiellement au-delà d’un certain seuil.
- Faire croire l’inverse, c’est risquer de gâcher des années d’enfance avec des traitements inutiles.
- Le bon moment pour traiter dépend du diagnostic, pas de l’âge.
💬 Ce que l’orthodontie moderne propose, ce n’est pas un appareil pour tout le monde à 7 ans. C’est une stratégie thérapeutique individualisée, guidée par un pronostic éclairé.